Lors de notre visite chez Manon, il faisait un froid glacial à l’extérieur; le vent s’était levé et soulevait des bourrasques de neige dans la rue. Dans le studio de Manon, toutefois, l’ambiance était si chaleureuse qu’on en oubliait l’hiver. Une douce musique d’ambiance flottait dans l’air et une casserole frémissait sur le four lorsqu’elle nous a accueilli chez-elle, afin de vous parler du programme Cuisinons ensemble.
C’est le dernier atelier de Manon en compagnie de Nicolas, le cuisinier-formateur du Mûrier. Pour l’occasion, ils ont décidé de cuisiner un mac’n’cheese, un plat réconfortant et généreux que Manon séparera en plusieurs portions pour plus tard. Pour l’instant, ils surveillent les pâtes qui cuisent lentement. Sa voisine Joanne cogne à la porte, pour échanger avec nous.
Quand cuisiner est (*était!) un fardeau
Joanne nous confie qu’elle se faisait à manger dans le passé, mais depuis un certain temps, elle n’en avait plus envie. Elle faisait son marché seule, achetait toujours les mêmes petits plats déjà prêts à l’épicerie, mais elle en était venue à la conclusion que ça coûtait de plus en plus cher, en plus d’être lassant. Manon, de son côté, nomme sa fatigue et raconte qu’elle ne cuisinait plus vraiment depuis des années; elle se faisait donc livrer du restaurant – ce qui est dispendieux à la longue!
Manon raconte que c’est grâce à sa grande amie Joanne, sa voisine à l’Espace La Traversée depuis bientôt 10 ans, qu’elle a connu le programme Cuisinons ensemble. Joanne avait demandé à sa travailleuse sociale de la référer au programme, et Manon a fait de même. Après une rencontre avec une intervenante pour évaluer leur admissibilité au programme, elles ont toutes deux été acceptées. Les deux dames ont donc suivi les ateliers individuels pendant 7 semaines avec le cuisinier-formateur Nicolas, qui s’est adapté aux défis et aux forces de chacune.
(Ré)apprendre l’ABC de la préparation des repas
Pendant nos échanges, la préparation du repas se poursuit. « Ce n’est pas dur, un macaroni, on n’a pas besoin de se stresser! » s’exclame Manon en mesurant les ingrédients pour la sauce, son carnet de recettes ouvert sur la table; Nicolas lui envoie les recettes sur internet, mais elle aime bien les recopier dans son propre carnet.
À chaque étape pendant la préparation de la recette, Nicolas s’assure d’ailleurs que Manon prenne connaissance de la marche à suivre et soit en mesure de la faire seule. Tout de même, il est toujours à ses côtés pour donner des conseils, la rassurer et l’accompagner au besoin. « Il est très gentil Nicolas, je l’aime bien! » nous répète Manon à quelques occasions, comme quand il lui fait remarquer doucement qu’il vaut mieux remonter ses manches pour ne pas les salir dans la sauce.
Manon admet qu’elle est très gauche, mais en étant assise à sa table pour faire plusieurs étapes, elle se donne les moyens d’éviter les dégâts!
De son côté, Joanne raconte qu’elle a su apprendre à improviser avec les ingrédients qu’elle avait sous la main, lorsque Nicolas venait chez elle pour cuisiner. Ensemble, ils ont préparé des hamburgers, des crêpes, un mac’n’cheese, une crème de chou-fleur, une omelette, du pain de viande… « Je suis bien contente d’avoir de nouvelles recettes, ça m’inspire! ». Nicolas explique sa progression : « Au début je la surnommais “Ptit Chef”, parce qu’elle me lisait les instructions, et je cuisinais. Avec le temps elle a appris à faire seule, à prendre beaucoup d’initiatives dans le choix des recettes et dans la recherche d’ingrédients. »
C’est un aspect que Nicolas travaille également avec Manon; « Avec elle, on a surtout travaillé la compréhension et le déchiffrage de la recette. Au fil des semaines on a fait de la soupe aux légumes, du poulet pané, des galettes de sarrasin… Elle a fait d’énormes progrès sur la réalisation, comme la mise en place d’un plan travail, décortiquer ses recettes, etc…Des choses qu’elle avait de la difficulté à faire avant de débuter les ateliers. » Aujourd’hui Nicolas la trouve très efficace; pendant qu’il s’occupe de la vaisselle, il relève avec bienveillance chacun des bons coups qu’elle fait : transférer les pâtes et la sauce dans son nouveau plat Pyrex, préparer ses gants de cuisine d’avance pour la sortie de son plat. Manon est à l’aise.
Aller plus loin
Lorsqu’ils s’assoient à table pour goûter le mac’n’cheese de Manon, Nicolas en profite pour faire son bilan, et souligner les progrès qu’elle a fait depuis le début: « Je t’ai trouvée bien courageuse Manon, tenace. Tu as parfois fait face à des difficultés mais tu n’as pas baissé les bras, tu les a surmontées. Tu as été volontaire et tu as toujours essayé de faire au mieux. »
Entre les deux sessions d’ateliers individuels, il y a toujours une pause. Mais Nicolas et Manon pensent déjà à la 2e session, qu’ils espèrent en août prochain. Nicolas explique ce qu’il prévoit pour elle : « Maintenant qu’elle sait lire et comprendre une recette, faire les choses, on va se concentrer sur l’exécution à la 2e session, et s’intéresser à la valeur nutritionnelle des aliments, comprendre l’effet de chaque aliment sur son corps et ce dont elle a besoin dans une journée. » Manon est enthousiaste; elle remarque déjà qu’en plus des économies qu’elle réalise et l’autonomie qu’elle a gagnée, elle bouge plus et a plus d’énergie.
Dans les prochains mois, Manon et Joanne pourront consolider leurs nouveaux apprentissages; forte de l’expérience de ses ateliers, Joanne dit qu’elle en a conclu qu’elle pouvait cuisiner par elle-même, « mais ça prend de la pratique! ». Sourire contagieux aux lèvres, elle lance à Manon : « J’irai acheter les ingrédients et on cuisinera ensemble, c’est bien plus motivant à deux! »
Nicolas se réjouit : « Je me trouve très chanceux d’avoir eu ce duo au même endroit; si je peux créer une occasion de les faire « Cuisiner ensemble », le nom du programme prend alors tout son sens… ».
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