En contribuant à servir plus de 150 000 plats ces 15 dernières années, Jean-François Robert a été témoin de l’évolution des pratiques en cuisine au Toit Vert. Son départ à la retraite est une occasion de faire un retour avec lui sur son expérience au Mûrier et le soin qu’il mettait à nourrir les résident·es. Son récit nous permet de voir à quel point l’alliance entre les intervenant·es et les cuisiniers au Toit Vert répond à deux besoins essentiels: se loger…et bien manger!

Un travail en constante évolution

Jean-François est arrivé au Toit Vert il y a près de 15 ans, tout de suite après l’ouverture de ce service résidentiel tout rénové qui réunissait deux anciennes ressources. À l’époque, les intervenant·es cuisinaient dans un studio pour les 28 résident·es! Lorsque la cuisine a été prête, Jean-François et un autre cuisinier ont été embauchés pour prendre la relève. Ensemble, ils se partageaient les tâches liées à la cuisine, évidemment, mais aussi l’entretien, la vaisselle, les commandes, le suivi des inventaires, l’administration et le service.

Au fil du temps, les collègues de Jean-François ont changé; pendant un certain temps, les intervenant·es venaient donner un coup de main en cuisine, ce qu’il a beaucoup apprécié. Il se rappelle notamment d’avoir été assisté par Krystel Bonenfant, qui a ensuite joint le conseil d’administration, et par Nadia Juin, aujourd’hui coordonnatrice au Jalon. Nadia a témoigné pour nous de son expérience avec Jean-François: « J’adore cuisiner, alors passer du temps en cuisine avec Jean-François était un grand plaisir. On mettait de la musique, on se partageait les tâches et on discutait de choses qu’on aimait, comme le bon café, les assaisonnements, le jardinage. J’ai développé une belle complicité avec lui, c’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup et qui gagne à être connu, car il a une attitude de prime abord réservée. Il a grand cœur et il est attentionné envers les résident·es: il aimait leur préparer leurs mets préférés, comme du pudding chômeur “réinventé à la JF”, et varier le menu quand c’était possible. » Nadia nous a aussi glissé une anecdote sur le fromage végétarien, que Jean-François ne pouvait pas se résigner à utiliser sur les lasagnes tant aimées des résident·es…une question de texture (et de goût!), apparemment!

Les changements des dernières années

Après des restructurations au niveau des ressources humaines, les quarts de travail des intervenant·es en cuisine ont cessé et Normand Gauthier a été embauché comme cuisinier. Jean-François a apprécié son arrivée: « Ça a stabilisé beaucoup de choses, Normand est un bon travailleur, intègre et honnête dans ses efforts à la tâche, je suis content d’avoir travaillé avec lui. » Un sentiment partagé par Normand, qui nous a également donné son point de vue sur Jean-François : « C’est quelqu’un de dévoué à son travail, très fiable : on sait qu’il sera là et que le travail sera bien fait. Il est très consciencieux dans sa façon de travailler, et avec l’expérience qu’il a, il sait tout et connaît tout du fonctionnement de la cuisine, ça m’a appris beaucoup et m’a permis de devenir autonome. »

Et la pandémie? Difficile d’éluder la question lorsqu’on parle avec un cuisinier qui travaille dans un service essentiel! Jean-François raconte le manque de directives gouvernementales, ce qui a obligé la coordonnatrice du Toit Vert, Gina Cérino, à élaborer des consignes claires pour protéger tout le monde; Jean-François lui lève d’ailleurs son chapeau à ce sujet. On comprend que le service de la nourriture a nécessité un bel effort d’équipe, car tous les plats devaient être préparés et congelés, servis en portions individuelles, sur des chariots et cabarets montés aux étages par les intervenant·es, pour être ensuite redescendus et désinfectés en cuisine. « C’était assez sportif mais on s’en est tirés! » conclut Jean-François en riant.

La rénovation complète de la cuisine, qui est devenue officiellement l’Atelier, a suivi: Jean-François appelle cet épisode « le chantier ». Retour aux anciennes méthodes, à cuisiner dans un logement pendant quelques mois, avec les déplacements pour le service et la vaisselle. Néanmoins, il est satisfait du résultat, car la cuisine est maintenant dotée d’une table chauffante et de l’équipement d’une cuisine de production. « Quand je suis arrivé il y a 15 ans, c’était une cuisine domestique. On a fait du chemin depuis, vers une cuisine plus professionnelle: c’est un point d’honneur pour moi, le professionnalisme. Même si on est dans le milieu communautaire, on a une cuisine qui est, toujours, d’un niveau respectable. »

Le contact quotidien avec les résident·es

À écouter Jean-François, on sent qu’il est fier de la fiabilité de son service auprès de la clientèle du Toit Vert.

« Les gens comptent sur nous et on livre la marchandise, c’est important. Pour eux, la cuisine c’est un rayon de soleil dans leur journée; c’est parfois leur seule occasion de voir des gens. On échange avec eux en leur servant leur repas, on s’est toujours bien entendu. Certain·es ont eu la vie un peu difficile, ici tout est mis en place pour leur confort. Je vois mon poste comme un pilier de la structure. Ma priorité, c’est les résident·es et le bon fonctionnement de la cuisine. »

Il valorise également le travail des intervenant·es et la collaboration précieuse qu’ils et elles ont ensemble pour veiller sur le bien-être des résident·es. « Il faut faire confiance à tous les gens qui travaillent ici, et à l’équipe traitante à l’extérieur; on s’appuie l’un sur l’autre, pour que les résident·es soient entre bonnes mains. La qualité des soins est là, ça vient aussi de la structure du Mûrier. » Un filet de sécurité, en somme, qui rallie la cuisine, l’intervention communautaire et le système de la santé.

Des plans pour la retraite? 

Jean-François est donc confiant pour la suite; fort de son expérience des 15 dernières années et de sa collaboration avec Normand, il sait que la cuisine fonctionnera bien après son départ. Quant à lui, il déclare en riant qu’il s’est procuré un passeport, mais vu la conjoncture actuelle, il attendra probablement un peu avant de s’en servir. Pour l’instant, il compte surtout profiter de l’été; son dernier jour de travail est le 5 août. Nous tenons donc à lui souhaiter, de la part de toute l’équipe et de tous les résident·es, une bonne retraite bien méritée!

*En tête d’article, Jean-François discute avec la coordonnatrice du Toit Vert, Gina.