Dre Renée Roy, psychiatre de  l’Institut national de psychiatrie légale Philippe-Pinel qui traitait toutes les résidentes du Jalon, a mis un terme à ses suivis à la fin de 2022 afin d’entamer sa pré-retraite. En faisant un retour sur ses 24 années de collaboration étroite avec nos résidentes et intervenantes, elle nous permet également d’en connaître davantage sur l’histoire du Jalon… et nous propose un modèle de suivi psychiatrique qui sort de l’ordinaire. En espérant qu’il soit repris!  

Prendre part à la création d’une ressource unique au Québec

Lorsqu’on demande à Dre Roy depuis combien d’années elle travaille avec la clientèle du Mûrier, elle nous répond qu’elle a été impliquée dans les discussions qui ont mené à la création du Jalon, avant même de connaître Le Murier ! « Plusieurs démarches ont été faites à l’époque pour mieux identifier les besoins de la clientèle féminine en santé mentale et justice. Il existait des ressources temporaires pour une clientèle moins stable, et d’autres types de ressources pour une clientèle moins autonome, mais celles-ci ne répondaient pas tout à fait aux besoins nommés. On a compris que ce dont ces femmes avaient réellement besoin, c’était d’une ressource de type appartements supervisés avec une clientèle exclusivement féminine; l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal (jadis l’hôpital Louis-H. Lafontaine) a fait un appel d’offre, et c’est Le Mûrier qui a eu le mandat de créer ce qui allait devenir le Jalon. Avant son ouverture,  j’ai donné aux intervenantes une formation de quelques joursen collaboration avec la coordonnatrice Guylaine de Tonnancour portant sur cette clientèle spécifique. Les résidentes sont ensuite arrivées graduellement, comblant les 9 places, éventuellement 12 Encore aujourd’hui, il s’agit à notre connaissance de la seule résidence au Québec à desservir les femmes vivant avec un trouble de santé mentale et des problématiques liées à la justice. 

Unique psychiatre traitante pour toutes les résidentes

La particularité de sa collaboration avec le Jalon, c’est aussi qu’elle était la principale psychiatre traitante pour toutes les résidentes –  en collaboration avec les psychiatres de l’hôpital de proximité lorsque les patientes ne provenaient pas de l’Institut Pinel – , qu’elle visitait sur place dans le bureau communautaire de la ressource.  

« Ça a été quelque chose de très spécial. On a été un trésor caché! Le grand intérêt de ce modèle de suivi, c’était d’avoir un suivi individuel étroit, en présence de l’intervenante, et d’avoir une vision globale de tout ce qui se passe dans la ressource. Ce que l’une vivait risquait d’avoir des répercussions sur les autres, on pouvait donc prévenir ou soutenir de manière globale. Par exemple, s’il y en avait une qui allait moins bien, sa voisine pouvait nous en parler; on en prenait soin et on s’assurait que la résidente qui la soutenait ne s’épuise pas. Tout ça, on ne peut pas le savoir si on ne les soigne pas toutes!».  

En se rendant sur place, elle avait également accès à de l’information de première main, un avantage précieux lorsqu’elle entamait un suivi avec une résidente; « quand je connaissais peu la personne, je pouvais m’appuyer sur le lien positif qu’elle avait tissé avec l’intervenante. Je bénéficiais ainsi de l’alliance positive qui était en train de se créer entre elles.» 

Du côté des intervenantes justement, il était également plus simple de s’assurer, en cas d’absence ou de maladie, que ses collègues et les résidentes aient un filet de sécurité; la coordonnatrice de la ressource y veillait avec elle. « Les questions se posaient différemment. On pouvait regarder les choses dans leur ensemble. Comme clinicienne, c’était réellement une plus-value.» 

Une relation grandement appréciée au Jalon

Nadia Juin a récemment pris le relais de Guylaine à la coordination du Jalon; elle n’a que de bons mots au sujet de la psychiatre, qu’elle a aussi côtoyée en tant qu’intervenante dans la dernière décennie : « Le mot qui définit le mieux Dre Roy pour moi, c’est DÉVOUEMENT ; elle s’investissait à fond pour chaque résidente et connaissait ses dossiers sur le bout des doigts. Chaque fois qu’on avait une question ou qu’il fallait réagir à un besoin urgent d’une résidente, elle se rendait disponible. J’ai beaucoup apprécié son écoute envers la clientèle et son humilité. Elle a le cœur sur la main.» 

Une appréciation évidente, partagée par Guylaine, qui a travaillé en étroite collaboration avec la psychiatre pendant 23 ans :

« Quel bonheur d’avoir rencontré Dre Renée Roy! Son expertise, sa façon de travailler, son savoir-faire par rapport au suivi dans la communauté…J’ai toujours qualifié Dre Roy de “psychiatre exceptionnelle”, et je l’ai entendu des autres tellement souvent. Elle était engagée, impliquée, elle ne nous laissait jamais dans le pétrin. Nous avons développé une très belle complicité au fil des années. En 23 ans, l’équipe du Jalon s’est renouvelée à plusieurs reprises, et elle a toujours fait preuve de souplesse et d’adaptation. Tout était plus facile grâce à sa présence. Avoir côtoyé Renée toutes ces années a été un très beau cadeau de la vie. Elle m’a tellement appris, c’est un bel héritage! Je disais souvent être tombée dans la crème fouettée! J’espère que son modèle de suivi sera un jour repris!»  

Une appréciation partagée par Dre Roy : « La chimie était vraiment très bonne avec Guylaine, on avait confiance l’une envers l’autre, on a traversé beaucoup de choses, et beaucoup appris l’une de l’autre. La transition a été facile avec Nadia, que je connaissais déjà; on avait une bonne base de travail en commun, ça a été agréable de travailler avec elle.» 

Un dîner avec les résidentes pour son départ

Pour la fin de son suivi au Jalon, les résidentes et les intervenantes l’ont invitée à un dîner sur place. Pour Dre Roy, c’était une belle façon de boucler la boucle : « Presque toutes les résidentes étaient là, j’ai été vraiment touchée de ça. Je me suis sentie reconnue!» 

Pour son départ, quelques résidentes et une intervenante ont écrit de petits mots de remerciements :  

  • Je me compte très choyée d’avoir fait la connaissance de Dre Roy. C’est une femme au grand cœur, toujours disponible pour ses patientes. Merci d’avoir été présente. Je vous souhaite une bonne retraite. Nathaly G., résidente. 
  • Dre Roy est d’un professionnalisme exceptionnel et d’une humanité remarquable; nous fumes vraiment choyées de travailler avec elle. Je vous souhaite une très belle retraite Dre Roy. Prenez bien soin de vous comme vous avez toujours bien pris soin des autres. Merci beaucoup pour votre engagement envers nous! Erika Pontes dos Santos, intervenante.
  • Dre Roy, sans vous mes blessures sont insécures. Vous me manquez beaucoup. Julie R., résidente.
  • Joyeux départ, bonne chance, soit heureuse. Merci pour tout. Nathalie M., résidente.

Qu’a-t-elle à dire sur les résidentes, et ce qu’elles lui ont apportées? « C’était vraiment intéressant de les voir évoluer, chacune à sa façon, les efforts qu’elles mettaient à se refaire une vie, à s’installer dans un petit cocon qui leur convienne, à développer des liens…À l’occasion de leur bilan annuel individuel, on nommait les progrès qui avaient été faits, c’était intéressant, tout comme de les voir quitter le Jalon pour aller poursuivre leur vie ailleurs.» 

« Des racines et le coeur au Jalon »

En conclusion, Dre Roy souligne à quel point elle a apprécié travailler avec les résidentes et l’équipe du Jalon  :

« Le Jalon a été une occasion de partage et d’enseignement, des 2 côtés, et avec les patientes et les intervenantes. C’était un bon laboratoire! Ça n’a pas été simple de décider de cesser les suivis pour amorcer ma préretraite… dans ma carrière, ce fut l’un des investissements les plus longs: j’y suis restée pendant 24 ans sans interruption!  

J’avais des racines et le cœur au Jalon!»